Blowin' in the wind

Le vent souffle, tourbillonne et s'engouffre du haut du Pic de la montagne du désespoir. Mélancolux a passé une nuit blanche à l'écouter. Fidèle à lui-même, il aime entendre le vent souffler, faire balancer la flamme source de sa non-vie. Cela fait quelques heures qu'il est ici, qu'il se vide l'esprit autant que possible, qu'il tente de se reposer. Car Mélancolux a beaucoup de choses à oublier. Outre le fait qu'il est coincé dans un monde de haine et de violence, que ses deux amis ont rejoint des clans ennemis qui ont juré la destruction de l'autre, et que lui voit ses rêves de paix plus qu'ébranlés par la nature même de ce monde, il est perdu. Perdu dans une brume de souvenirs de plus en plus flous et d'actes héroïques passés qui pourraient aussi bien être des rêves.
Mélancolux regarde en contrebas et ne voit que la couche de nuages lui prouvant à quelle hauteur il a réussi à monter. Il songe un moment que, peut-être, il est temps de se remettre en route. Mais le coeur n'y est pas. En lui-même, il sait ne pas être fait pour une vie d'errance solitaire et sans but. Car son but n'en est pas un. Il le sait. Il sait qu'il ne l'atteindra pas plus qu'il puise entendre son coeur battre, puisqu'il n'est que l'ombre d'un être anonyme mort il y a longtemps. Autrefois, il se serait posé des questions sur celui qu'il avait été avant d'être lui. Mais rien de tout cela n'a plus d'importance désormais. Rien. Rien de rien. Même le cri de détresse en contrebas ne compte plus. Car il sait que s'il venait à se battre, à vouloir sauver une vie voire plus, il le regretterait amèrement par la suite.
Mais cette dernière affirmation est fausse; car même exclus, même banni, même seul, Mélancolux reste et restera toujours un héros. Rangeant immédiatement sa tente et tout ce qu'elle contient dans sa fameuse malle lévitante, il plonge dans le vide. Il sent à nouveau le vent l'étreindre, mais d'une manière différente. Brutale, forcée, surprise aussi quand on y pense, au final le vent avait des réactions d'être vivant. Ou mort-vivant, y avait-il une différence? Mélancolux stoppe sa chute. Arrivé sur une sorte de promontoire, il voit derrière lui une ouverture dans la roche. Une grotte. C'est de là que porvient le cri. Augmentant la chaleur et la luminosité de sa flamme, il s'y engouffre...

Un cri, c'était le cri d'Amélie. Un cri de douleur.

Plus tôt dans la nuit, un peu avant le lever du soleil, un luxray s'était dirigé vers l'immense montagne du désespoir afin d'accomplir son petit rituel quotidien, la création d'une arme. Une fois dans la grotte, le luxray, du nom d'Amélie, l'éclaira. Un petit peu plus loin se trouvait d'énorme pierre servant à aiguiser l'étoile de sa queue et Amélie se mit au travail, seulement, à chaque coup, elle poussait un cri et on entendait chaque cri devenir de plus en plus douloureux. Une fois fini, Amélie s'écroule mais n'a pas le temps de se reposer, elle vit un pokémon approché. Elle coupa son attaque flash et se cacha. Grâce à ses yeux perçants, elle pouvait observer l'inconnu: c'était un globe contenant une petite flamme entourer d'une espèce de lampe noir. Amélie avait déjà entendu parler de cette espèce, c'était un Mélancolux.

-Que fais-tu ici Mélancolux?

Il était quasiment impossible de voir Amélie et elle comptait bien en profiter en se déplaçant silencieusement dans la grotte et faisant venir sa voix de n'importe où. Rien de mieux pour effrayer les curieux.

-J'attends une réponse Mélancolux.

Mélancolux emplissait la salle de son obscure clarté. Il discernait les formes d'un luxray -ou d'une luxray- et les raisons de sa venue étaient inconnues. En lui-même, le pokémon spectre était déçu. il s'attendait à tomber sur quelqu'un qui aurait besoin de son aide. Au lieu de ça, il avait le droit à un pokémon électrique pas très comode et en apparence pas très amical. Et, alors que sa lumière éclairait le visage de son interlocutrice, il découvrit qui elle était: c'était la chef du clan des rebelles, un luxray d'une grande ingéniosité qui luttait pour la fin de la guerre. Un temps, Mélancolux avait songé à rejoindre son camp, mais ne s'y était jamais résolu. Rebelles comme guerriers étaient des gens peu enviables dans ce monde, et Mélancolux avait appris à les éviter, tous autant qu'ils sont.
Tandis que l'autre lui tournait autour, la lampe se contentait de tourner le regard vers elle quand elle passait à sa portée:
"Moi? Je vis ici. Je n'ai rien à cacher, je ne fais qu'éviter la guerre, et en échange la guerre m'évite. Mais je suppose que vous n'aviez pas remarquée que vous êtiez suivie."
Et en effet, dans un creux dans la paroi, un Minotaupe s'était embusquée et avait bondi sur la Luxray. Cependant, Mélancolux, sans même réfléchir, décocha une ball'ombre plus rapide que l'éclair et rebalança le pokémon contre le mur, K.O.. Puis, se détournant, Mélancolux repartit comme il était venu. La seule chose qu'il dit fut:
"Vous feriez bien de partir. On est quittes."
Mais alors qu'il gravissait la montagne de nouveau, il se posa des questions. Avait-il bien fait de partir? N'aurait-il pas dû chercher à s'imposer auprès d'elle, à trouver un sens à sa misérable existence? mais c'était trop tard désormais; il était parti, et elle avait dû faire de même.